Internet ou la révolution du partage

Au cœur de nos machines, deux modèles de sociétés s’opposent. Alors que les logiciels propriétaires protègent et contrôlent leurs contenus en cachant leurs codes sources, les logiciels libres, s’appuient sur les idées de libération des savoirs et de partage ne laissant plus une minorité décider seul des contenus de code qu’elle contrôle à son profit exclusif.

Les logiciels libres et logiciels propriétaires posent la question de la propriété intellectuelle et de ses dérives. Les défenseurs des logiciels libres prônent le bien commun et veulent créer une société moderne de la connaissance accessible à tous.

Imaginer que vous achetiez un plat tout préparé, c’est la logique du logiciel propriétaire. Vous ne pouvez pas en modifier la recette, tout est prêt, mais vous ne pouvez pas savoir comme le plat à été fabriqué ni la totalité des ingrédients qui le composent. A contrario, un logiciel libre, c’est une recette de cuisine en libre accès. Il demande du temps de préparation, mais vous savez ce que vous mangez. Cette question s’applique autant à nos appareils informatiques du quotidien, qu’aux domaines de l’agriculture, de la technique, ou même de la santé.

Les nouvelles technologies, devraient-elles être entièrement contrôlés par ses utilisateurs ou garder sous le joug de ses fabricants ?

C’est la question que se pose Philippe Borrel dans le documentaire Internet ou la révolution du partage sort en 2019. C’est la version courte de « La bataille de Livre » destinée à des projections-débats. Il met en opposition les logiciels libres, aux logiciels propriétaires. En suivant différents militants sur le sujet, des problématiques autant philosophiques que sociétales se révèlent. Il retrace l’impact de la privatisation du web sur les questions d’éducation, de santé, d’agriculture, etc.

Le documentaire est orienté autour de l’importance des logiciels libres cependant, il donne tout de même la parole aux défenseurs des logiciels propriétaires.

C’est quoi, la différence entre libre et propriétaire ?

Les défenseurs des logiciels propriétaires, donnent de la valeur au code. Une valeur marchande. Il est donc pour eux invraisemblable qu’il soit en libre d’accès. A contrario, les défenseurs du logiciel libre se disent de vouloir que tous les humains aient accès aux codes des appareils qui les entourent et devrait être aussi en mesure de le lire. Ce qui passe par l’éducation au code des consommateurs.


Attention ne pas confondre logiciel libre et open source. Il n’est pas évident de différencier ces deux notions. Selon Richard Stallman, la différence fondamentale entre les deux concepts réside dans leur philosophie « l’open source est une méthode de développement ; le logiciel libre est un mouvement social ». Les concepteurs de logiciels propriétaires considèrent que moins nous en serons plus nous serons des clients captifs au risque de devenir des citoyens passifs.

Des agriculteurs concernés

Cette question des logiciels, ne s’arrête pas au domaine de l’informatique. En suivant des agriculteurs, le reportage montre que les logiciels propriétaires et la propriété intellectuelle, limitent les possibilités des agriculteurs. En effet, ils perdent leur droit de modifier leurs propres machines et son dépendant de logiciels pour tous diagnostics et réparation. Ce qui pose aussi un problème d’obsolescence rapide des machines.

Une question de santé publique

Les logiciels sont partout dans notre quotidien. Mais au service de la santé, la question du logiciel libre et de la propriété intellectuelle est donc vitale. Les logiciels libres dans ce domaine permettent au patient lui-même d’adapter les techniques en fonction de ses besoins (comme avec les prothèses) et de s’assurer que les techniques restent toujours accessibles à ceux qui en ont besoin. Question qui se pose par exemple pour l’insuline détenue par quelques labos pharmaceutiques et protégé par la propriété intellectuelle.

Tout cela est en fait une volonté d’avoir un meilleur contrôle des technologies qui permettent de maintenir en vie

Une vision communautaire

Le trésor derrière les logiciels libres, c’est la communauté. Arrivant sur le marché, les logiciels libres sont d’abord moins performants, mais avec les améliorations constantes de la communauté, il concurrence vite les logiciels privatifs. La valeur de ces logiciels n’est donc pas tellement dans son code que dans sa communauté. Selon Lionel Maurel, (membre de la quadrature du net), partout où il y a de la propriété intellectuelle, il y a des façons de renverser le processus. Par exemple, en réponse à google Map, une carte libre a été créée : open street map.

Ainsi à l’opposition du copyright, le copyleft est né (autorisation donnée par l’auteur d’un travail soumis au droit d’auteur d’utiliser, d’étudier, de modifier et de diffuser son œuvre, dans la mesure où cette même autorisation reste préservée).

Ce n’est pas uniquement sur le développement de logiciels libres qui serait porté par une communauté de développeurs barbus, mais c’est une question éminemment politique et sociale dans la mesure où tout le monde est concerné par cet environnement de plus en plus technologique et de plus en plus opaque

Thomas Bernadi — Data Scientist

Avis critique du logiciel libre

Le mouvement Open source est une concurrence intéressante qui force Microsoft à innover, Linux est un cancer qui s’attache à tout ce qu’il touche en matière de propriété intellectuelle. C’est comme ça que fonctionne sa licence

Selon Steve Ballmer (bras droit de Bill Gates)

N.D.L.R : Linux est un système d’exploitation open source. Il constitue un important vecteur de popularisation du mouvement du logiciel libre

Notre système économique est basé sur la concurrence. Breveté ses méthodes de production, ses logiciels, ses innovations permettent donc de prendre un avantage concurrentiel, c’est donc un choix économique de la part des entreprises. C’est le choix que fait l’entreprise américaine Aerofarms dans le reportage. Il ne veut pas que sa recherche d’innovation et ses secrets de fabrication forment ses concurrents.

Certains acteurs du monde du logiciel propriétaire pensent que les logiciels libres ont un impact négatif sur l’innovation en décourageant la rémunération directe et l’investissement d’acteurs privé. Selon Bill Gates, le modèle économique de la licence GNOU GPL développé par Richard Stallman basé sur la gratuité totale n’est pas viable et donc ne permet pas la construction de projets sérieux.

Le logiciel libre parle d’une connaissance ouverte et contributive. Dans la réalité, cette utopie se nuance. Oui, tout le monde peut contribuer à un projet, mais le cœur de celui-ci est souvent plus fermé qu’il n’y paraît. Ainsi la création de logiciels libres capables de rivaliser avec les logiciels privés reste réservée à une certaine élite du milieu.

Selon Sébastien Broca dans son livre « utopie du logiciel libre », l’idée de bricoler nos techniques au lieu d’être des simples consommateurs passifs et dépendants est séduisante, mais reste pour l’instant une vision très idéaliste de la société actuelle.

Consommateur ou contributeur

Selon Carles Chenet, (Architecte système indépendant spécialisé dans les composants à base de logiciels libres et ingénieur de production), il y a un risque très important de disparition des équipes maintenant les FOSS (Free and Open source Software) actifs. Il appelle donc à une contribution minimale consistant à au moins faire connaître les projets et encourager les créateurs à continuer. Le principal lien avec les logiciels libres est un rapport de consommation qui repose sur une minorité d’actifs contributeurs.

Ce problème ne se pose pas avec les logiciels privatifs, car des gens sont payés pour maintenir le logiciel : c’est une assurance que le logiciel continu de s’alimenter. Du point de vue de l’utilisateur, nous voulons des réponses immédiates à nos problématiques. Si le logiciel n’est pas tout de suite opérationnel, nous avons tendance à l’abandon. C’est le souci des logiciels libres qui peuvent demander un certain investissement de l’utilisateur pour l’adapter à sa pratique.

Pour aller plus loin :

Chemin de traverse — Emmanuel Faber, 224 pages, éd. Albin Michel

Sources: